L'eau en discussion : Interview de Roger CANS
" IL EST PLUS GRAVE DE COUPER L’EAU
QUE DE COUPER DES TETES "

Longtemps journaliste au Monde sur les dossiers "environnement", Roger Cans est aujourd’hui réalisateur de films pour la Cinq.

L’eau est son bain quotidien mais il ne s’y noie pas. Il veut seulement sensibiliser les consommateurs.

Une interview de Virginie MALABARD

V-M : L’eau tombera toujours du ciel. Pourquoi est-elle devenue une préoccupation si importante ?
Roger Cans : Il y a plusieurs raisons :
- L’accroissement démographique alors que la ressource en eau reste à peu près constante. Quand vous avez au bord du Tibre un village qui devient une ville, l’eau devient un problème. Et puis l’exode rural a fait s’agglomérer des populations alors que l’eau était dans les campagnes. Enfin, aujourd’hui, il y a des phénomènes de flux vers le soleil : les Américains vont vers la Sun Belt, de la Floride à la Californie, soit des Etats desséchés. S’ajoutent les flux saisonniers de touristes : au moment les plus secs de l’été, les vacanciers vont en Grèce au moment précisément où les grecs manquent d’eau.
- Les grandes réserves d’eau sont là où personne n’est : l’Antarctique, le lac Baïkal (20% de la ressource mondiale en eau douce), l’Amazone, le Congo. Il faut donc aller chercher l’eau, la traiter.
- L’agriculture est le plus gros consommateur d’eau dans tous les pays du monde.
En fait, globalement, la ressource en eau, pour les 6 milliards d’habitants que nous sommes, pourrait suffire ; le problème, c’est que l’eau n’est pas forcément là où il faut, quand il faut.

V M : C’est donc pour cela que vous parlez de « denrée rare »…
Roger Cans : Oui, d’autant qu’aujourd’hui on ne veut plus être dépendant du ciel ; alors on arrose tout !

V M : Mais peu de gens semble prendre acte de cette situation - du moins en Occident…
Roger Cans : C’est pour ça qu’il faut les sensibiliser. La seule chose qu’il voit, c’est l’augmentation de leur facture !

V M : Mais ailleurs, l’eau est devenue un enjeu stratégique…
Roger Cans : La répartition étant inégale à la surface de la Terre, certains pays sont des châteaux d’eau, d’autres sont désertiques : la Turquie est le château d’eau du Moyen-Orient. Et puis il a le Nil, un fleuve énorme qui coule dans un désert ; les égyptiens veulent se l’approprier… Ou le Jourdain…

V M : Alors vous croyez à une « guerre de l’eau » ?
Roger Cans : Non. Je parle plutôt de « batailles de l’eau* ». C’est une bataille technologique, commerciale puisqu’il existe un marché de l’eau même si l’eau n’est pas une marchandise ; c’est aussi un conflit d’usage car un fleuve sert à naviguer, à faire des barrages électriques, à irriguer ; il peut être aussi une base de loisirs. Et puis il y a également les conflits entre Etats : la France et les Pays-Bas avec l’histoire du sel des potasses d’Alsace. Ce n’est qu’en Israël qu’il y a eu une guerre militaire : l’eau a été un enjeu militaire en 1967. Plus précieux que le pétrole puisqu’il ont rendu le Sinaï au Egyptiens.

V M : Mais si l’on considère que 28 pays ont atteint le seuil hydrique (1000m3 par habitant et par an) en-deça duquel la population ne peut vivre, on peut craindre d’autres conflits…
Roger Cans : Il y a eu effectivement des bruits de bottes entre l’Egypte et le Soudan, l’Irak et la Syrie. Le ministre de l’eau irakien a même dit qu’il était plus grave de couper l’eau que des têtes. Mais de là à ce que ça dégénère en conflit armé…


* la bataille de l’eau, Le Monde Editions, 1994. La ruée de l’eau, Gallimard, 2001.
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